CRENOM DE DIEU !

13 décembre 2009

Le débat sur les minarets a fait rage ces derniers jours dans un pays, la Suisse, qui nous a habitué depuis son pacte fondateur à tous les excès en matière de conservatisme identitaire : ainsi quand Guillaume Tell tranche d’un trait magistral une innocente granny smith sur la pomme de son fiston, n’est-ce pas pour faire le plus grand doigt d’honneur de l’Histoire (à égalité avec le « Nuts » de Patton) à l’oppresseur autrichien de l’époque. Mais deux siècles plus tard, à l’occasion de la fameuse bataille savamment magnifiée dans nos petits livres d’histoire (et portée au firmament par la diva belge Annie C : « Mais 1515 c'est épatant, 1515 c’est Marignan ! »), ces mêmes Helvètes font preuve d’une plus grande ouverture d’esprit en mercenaires cupides agissant pour le compte d’une autre nation. Bien mal leur en prît, puisque la rouste légendaire était au rendez-vous et devait affirmer le charisme en France du grand dadais au long blaze, ouvert aux idées neuves et importateur du concept de la Renaissance en France. Concept dont il entreprît la promotion avec son associé Léonard, un Rital visionnaire qui dota Chambord d’un escalier à double hélice et la Joconde d’une paire d’yeux insaisissable. Le duo fonctionna à merveille, jusque dans le lit paraît-il, et le désarroi du roi fût immense lorsque son Pygmalion fût mort au soir.

Ne pouvant alors prétendre au trésor de guerre que seule une victoire justifiait, l’ancêtre des primes de match en quelque sorte, la Suisse se rattrapa encore bien des siècles plus tard dans des circonstances ô combien pragmatiques mais fort peu honorables. Pays géographiquement bien engoncé au cœur de l’Europe, la Suisse fait paradoxalement office d’OVNI par sa culture de l’indépendance et son culte du secret. Scène typique de vie familiale chez les confédérés : « Chéri, où as-tu mis le café ? Regarde dans le coffre... de la voiture ». Tout bien rangé planqué chez soi, et les vaches sont bien gardées. Ces mêmes vaches qu’a contrario on expose fièrement, tant elles participent de la richesse et de l’image honnête du pays : ah le bon Emmental et le succulent chocolat suisses, Toblerone quand tu nous tiens !

Revenons en France et au débat qui nous anime, celui des minarets. Chez nous même son de cloche, on aime trop nos églises pour accepter la concurrence d’autres pinacles dardant vers le ciel. Le clocher est notre trait d’union à tous et depuis toujours : réveil-matin des campagnes, GPS avant l’heure selon Péguy, protecteur contre les foudres du ciel, girouette météorologique pas moins fiable qu’Evelyne Dhéliat, point d’ancrage de parachutistes libérateurs, etc.

Un village sans clocher et tout est dépeuplé. Hélas même pourvu de son clocher le village se dépeuple, drame persistant du monde moderne : 36000 communes dont 99,99% se débattent pour garder en peine leurs âmes, et en plus on menace de leur enlever la taxe pro : salaud de Sarko, le peuple aura ta peau !

Et des églises, il s’en vendrait même maintenant puisque le culte et le brûlage de cierges ne suffisent plus à les entretenir. « Charmante église, 2000m² loi Carrez, belle hauteur de plafond, cuisine US avec bar-autel, prenant magnifiquement la lumière, doubles vitraux, bon isoloir. Cave voûtée, réserve de vin laissée par les précédents propriétaires. Prévoir travaux ». Sacrée loi que celle de 1905, fierté laïque de l’époque, aujourd’hui perverse avec la désaffection du religieux au profit du matériel. Alors, que ceux qui ont encore la Foi (oui même toi Ophélie) puissent pratiquer « sans ostentation » certes mais dans des lieux qui s’y prêtent : et si la création de mosquées devient un sujet trop tabou, baillons nos églises abandonnées à ceux qui en respecteraient l’usage cultuel initial plutôt que de les transformer en lofts gothiques. Garantie de revenus, loyer charges comprises payable d’avance, caution du Père spirituel, et tout le toutim. Paris vaut bien un muezzin, et l’Histoire a quelques exemples architecturaux emblématiques en la matière : alors balancez-nous une Sainte-Sophie au sommet de Montmartre, on y verra que du feu… de Dieu. Un minaret là-haut, mine de rien. Sacré Cœur va !